Des voix
Des voix
Des entités de fièvre
De celles qu'on sue, qui nous débordent jusqu'au profondeurs des sens
Qui jaillissent comme le feu sur l'herbe sèche ne laissant que quelques épaves au bord des lèvres
Des voix
Des voix qui appellent à la trêve
Toutes les facettes de la douleur, viens, jette le dé, viens, n'aie pas peur: il n'y a pas de pire
Tout ce qui tombe fera du bruit
Mais ce bruit-là, il faut le fuir, le fuir jusqu'au fin fond de lui,
Puisque jusqu'au bout il te poursuit car rien n'échappe à son empire
Des voix
Des voix qui chantent, des voix qui crient
C'est toujours la même mélodie, attends, chut... tu l'entends
Avec ses notes sombres qui s'étirent pour englober tout sans répit
Elle remplit tous les interstices et même tes oreilles hurlent au vice
Cette fois
Il va falloir tendre l'oreille car le monde hurle sa misère
Prends garde que la terre ne se lasse ça fait bien quelques millénaires
Qu'on foule son sol qu'on tue son air qu'on la saigne et qu'on l'éviscère
Quelle ironie mais quel retour qu'elle ne devienne notre cimetière
Des voix qui pleurent qui creusent la terre
En quelque océan de poussière où l'on se noie les bras en l'air murmurant une nouvelle prière
Des voix des cris des hurlements de verre
Qui se brisent à l'écume de la lame en myriades de morceaux qu'on perd
Trop fragiles trop pudiques trop fiers à l'aune de l'onde qui les réclame pour les rendre sans cesse à leur père
Des voix
Des voix pour raconter la peine Et dans le silence inquiétant qui précède toujours la mêlée
L'angoisse se fixe sur les cordes plus rien ne bouge
Des voix pour propager la haine
Le degré zéro de l'humanité l'indécence gratuite la violence
Le secret d'un temps où s'enchaînent les larmes qui pourrissent dans nos veines
Des voix qu'on arrache à leur gorge en écho
Les tripes déchirées et le cœur creux mais la conscience n'a aucun droit de véto
Et les barreaux se tissent autour d'une absence dont personne ne devrait avoir à porter le fardeau
Des voix
Des voix qui hurlent dans ta tête
Stop n'avance plus, encore un pas et tout s'arrête
Des voix encore
Des voix qui ne se taisent
Et la faucille siffle, à Dieu ne plaise, en scindant l'air, vêtue de noir, numéro treize
Elle approche doucement, la lame danse, les nerfs se tendent et l'atmosphère sent le malaise, le corps se tord
Des voix exhalent un dernier souffle et la raison fatiguée expire
Le silence hurle enfin son nom gravé dans l'ombre du néant, il se retrouve libre, il est vivant
Des voix qui s'élancent vers un brouillard douteux avec l'espoir de trouver le pont qui mène dans les yeux de l'autre qui, sans voix, attend patiemment son tour
Des voix
Comme le son d'un coeur qui se serre et le silence qui tourne en absence des désirs qu'il faut taire
Mais rassasié de croyances qui ne nous appartiennent pas plus que le souffle des voix qu'on enferme avec force dans le vide d'une âme dépourvue de foi alors que les loups se déchirent en vain le corps sans vie de celui qui enfin égaré se repaît d'une insupportable colère
Des voix
Des voix qui s'élancent vers le ciel en quête de protection
Des voix qui pleurent comme le ciel s'effondre en sifflant sur nos pauvres maisons
Des voix qui susurrent dans le noir comme on parle d'amour quelque conspiration
Pour imposer à autrui un joug que l'on supporte depuis trop longtemps
Des voix ineffables aux accents doucereux qui séduisent dans l'ombre et s'éteignent avec leur proie dans un sommeil infini
Des voix comme des éclairs au fond de l'âme des voix qui saignent et te déchirent les entrailles au fil du tranchant de leur mots et des paroles qui glissent dans l'air et un grand fracas s'abattent sur leur cible y imposant la séquelle claire d'une étreinte au fond de la chère tel un vif coup de revolver
Des voix
Des voix qui peinent à se faire entendre dans le brouillard des sens où règne un tumulte imperméable à tout amour
Il n'y a que le bruit, le bruit des voix qui s'entrechoquent, le bruit des voix qui s'entrecroisent et jamais ne s'entendent, ne s'accompagnent, des voix irrémédiablement seules dans le vide, seules dans le noir, seules dans le profond silence des voix